A Mpumalanga la pollution de l'air rend malade
10 novembre 2021L’Allemagne, les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France ont annoncé en marge de la COP26 un plan visant à financer la transition de l’Afrique du Sud vers les énergies renouvelables. 8,5 milliards de dollars vont ainsi être accordés à l'Afrique du Sud, sous forme de prêts à taux bas et de subventions, sur une période de trois à cinq ans. Il s’agit d’aider au développement des énergies renouvelables (solaire et éolienne) et d’aider à la reconversion de la région de Mpumalanga, l’une des plus polluées au monde par la combustion de charbon.
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Le township de Kwa-Guqa se trouve dans la province du Mpumalanga. Cette région abrite 12 des 15 centrales au charbon, qui fournissent 90 % de l’électricité du pays. Combinées à la poussière venue des mines de charbon à ciel ouvert, ces émissions font du Mpumalanga, l’une des régions les plus irrespirables de la planete. Mbali Mathebula habite dans une petite chambre avec ses filles âgées de 3 et 7 ans. Toutes les deux souffrent d’asthme. Pour mieux respirer, Princess, l’ainée, doit souvent porter un masque relié à un compresseur, donné par une ONG.
" Depuis qu’elle a 3 ans, elle a de l’asthme. Si elle joue une demi-heure, elle se fatigue et doit s’asseoir pour se reposer. En hiver, elle ne va à l’école car c’est pire quand il fait froid. Ce n’est pas bon pour son éducation. Je pense que c’est lié à la pollution de l’air parce que quand on va dans une autre province, elle se sent mieux " explique Mbali Mathebula.
Impact sur la santé
Le gouvernement reconnait que la pollution dépasse les normes, pourtant déjà très faibles. Il n’a fait aucune étude sur l’impact sur la santé dans la région. Mais selon une ONG, le Centre pour les droits environnementaux, la pollution provoquerait chaque année, plus de 9000 cas de bronchite chez les enfants et entrainerait la mort prématurée de 2 200 Sud-Africains.
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Promise Mabilo est coordinatrice de Vukani, une ONG locale qui se bat contre la pollution de l’air. Quand elle parle des enfants malades, elle se met à pleurer. Elle explique que " si une personne a une crise d’asthme et va à la clinique, elle doit faire la queue comme tout le monde. On ne lui donne pas priorité aux malades, même s’ils souffrent. Alors c’est pénible. Et parfois, elle ne reçoit même pas l’aide dont elle a besoin. J’ai vu beaucoup d’enfants qui souffrent. Et chaque fois que je parle de ce problème, cela me bouleverse "
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Promise, dont le fils souffre aussi d’asthme, s’efforce de mobiliser les gens de sa communauté mais ce n’est pas facile. "Je vois que ces gens souffrent. Ils n’ont pas de travail et ils ne peuvent pas acheter ces compresseurs. Mais ils ne veulent pas protester. Moi-même, parfois, je me sens menacée. Mais nous ne voulons des conflits, nous voulons des solutions " explique Promise.
Les militants des ONG accusent les mines de charbon de payer des agents de liaison dans la communauté, qui les empêchent parfois de manifester. Dans le township voisin de Phola, d’énormes camions roulent au sommet d’une nouvelle mine qui surplombe les maisons. Plusieurs fois par jour, des explosions dégagent des tonnes de poussière et fissurent nos maisons . Les militants de Groundwork ont récemment organisé une marche de protestation jusqu’à l’entrée de la mine pour dénoncer la pollution, selon Nandi Khanye de l’ONG Groundwork " ils ont attaqué avec des fouets et des bâtons menaçant notre vie. Nous étions en train de conscientiser les gens sur la pollution de l’air, la poussière et la différence entre le réchauffement climatique et la pollution de l’air ".
Pour cette jeune militante de 32 ans, il n’y a qu’une seule issue : " sortir du charbon". Elle précise que Eskom est le producteur d’énergie qui pollue le plus au monde et cette compagnie ne fait rien pour la communauté locale.
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Des inquiétudes
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé qu’il allait fermer progressivement les centrales électriques au charbon. Certains s’en réjouissent mais d’autres craignent de perdre leur emploi, comme l’explique Pius Mashaba, ancien délégué syndical :
" S’ils ferment les mines, beaucoup de gens vont perdre leur emploi. Toute cette région va devenir un village fantôme. Combien de gens ils vont engager dans l’énergie solaire et éolienne ? Cela ne va pas créer des emplois pour nous "
En attendant, Promise Mabilo attend avec impatience le jugement dans un procès intenté en mai dernier par Vukani et d’autres ONG contre le gouvernement pour le forcer à prendre des mesures pour combattre la pollution de l’air.