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Harris, une femme afro-américaine pouvait-elle gagner ?

6 novembre 2024

Comme Hillary Clinton en 2016, Kamala Harris n’a pas réussi à se faire élire après une campagne marquée par la question du genre et de l'ethnie.

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Kamala Harris s'exprime lors d'un rassemblement électoral devant le centre civique d'Atlanta (photo d'illustration)
Kamala Harris a appelé Donald Trump au téléphone pour le féliciter de sa victoireImage : Cheney Orr/REUTERS

Le 29 octobre dernier, devant plus de 75.000 personnes, Kamala Harris promettait de faire des Etats-Unis une nation suffisamment grande pour englober tous les rêves et assez forte pour résister à toute fracture. Comme Barack Obama avant elle, la candidate démocrate incarnait un rêve. Née d’un père Jamaïcain et d’une mère Indienne, Kamala Harris, présentée aux Etats-Unis comme une femme noire, aurait pu cristalliser le vote de l’ensemble de la communauté afro-américaine.

"La raison majeure pour laquelle elle n’est pas passée est qu’elle est une femme noire" (Axelle Njike)

Cependant, plusieurs sondages avant la présidentielle indiquaient que, bien qu’elle soit traditionnellement démocrate, la communauté afro-américaine était divisée, avec notamment un électorat masculin plus enclin que d’habitude à voter pour Donald Trump.
Les résultats de l’élection l’ont prouvé : dans des Etats stratégiques comme la Caroline du Nord et la Géorgie par exemple, le vote des hommes afro-américains en faveur de Kamala Harris est en recul de plusieurs points par rapport à celui, quatre ans plus tôt, en faveur de Joe Biden.

Le plafond de verre toujours et encore ?

La question du genre a occupé une place centrale dans le discours de Kamala Harris, avec des mesures phares comme le droit à l’avortement.
Sous son mandat, Donald Trump a en effet nommé trois juges conservateurs à la Cour suprême, avec pour résultat qu’en juin 2022, la plus haute juridiction américaine a mis fin à la protection constitutionnelle du droit à l’avortement que procurait l’arrêt Roe vs Wade de 1973.

Des supporters démocrates à Washington, plongés dans la tristesse face aux résultats des élections
Donald Trump a reçu une pluie de félicitations de responsables étrangers (Photo d'illustration)Image : ANGELA WEISS/AFP/Getty Images

Pour la militante féministe Axelle Njike, la victoire de Donald Trump laisse présager des heures sombres pour les femmes : les femmes noires, les hispaniques, les pauvres et les transgenres qui se sont largement mobilisées pour cette élection américaine. La raison majeure pour laquelle la candidate démocrate n’est pas passée réside dans son statut de femme, pense Axelle Njike. "On n’est absolument pas désirée dans ces sphères de pouvoir, et le fait qu’elle soit une femme noire ! Un homme noir, cela aurait été possible, c’est ce qui s’est passé avec Barak Obama, avec tout le récit qu’il y avait derrière, mais là, avec Kamala, c’est allé trop loin", pense la militante.

"Elle a été disqualifiée", déplore Axelle Njike qui se demande si "elle (Kamala Harris, ndlr) a jamais eu une chance auprès de cet électorat. C’est juste qu’en tant que femme noire, j’avais envie d’y croire. Je trouve que c’était un signal magnifique pour moi, pour nos filles, pour toutes les femmes noires à travers le monde. Et encore une fois, on rate la marche de peu", observe-t-elle.

Quid du vote de la communauté indienne ?

Est-ce le fait d’être une femme, ou bien d’être une femme noire, métisse, qui a joué en la défaveur de Kamala Harris ? Ntal Alimasi, consultant et spécialiste en gouvernance, rappelle qu’il n’y a pas que les hommes afro-américains qui ont voté en partie contre la candidate démocrate. Ce phénomène, suggère-t-il, s’est aussi retrouvé dans la communauté indienne qui représente 4,4 millions de personnes aux Etats-Unis.

Photo d'un siège de campagne des démocrates vide après l'annonce des résultats de la présidentielle.
Le comeback du républicain est d'autant plus extraordinaire que sa troisième campagne a été marquée par deux tentatives d'assassinat, quatre inculpations et une condamnation au pénal (Photo d'illustration)Image : Kevin Lamarque/REUTERS


"Je ne sais pas si on pourrait dire que c’est parce que c’est une femme noire. Cela pourrait être simplement parce que c’est une femme car beaucoup d’hommes ont voté pour Trump. Beaucoup d’Indiens ont voté pour Donald Trump, ça c’est une question qui m’a travaillé l’esprit. Est-ce qu’ils ont voté pour Donald Trump parce que Kamala Harris est une femme noire ? Ou parce que c’est une femme indienne ? C’est une question que les gens devront peut-être revoir, pour voir exactement quelles sont les dynamiques qui ont été impliquées là-dedans. Ceci dit, les jeunes femmes ont voté massivement pour Kamala Harris, tandis que des hommes de couleur, comme on les appelle ici, ont semblé porter leurs voix vers Trump."

Une faiblesse dès le départ de la campagne ?


Pour Jason Stearns, qui enseigne les relations internationales à l'Université de Simon Fraser, il est difficile de savoir quelle partie de l’identité de Kamala Harris a joué contre elle dans cette présidentielle. L’enseignant souligne ainsi que presque 70% des hommes blancs sans éducation universitaire ont voté pour Donald Trump. "Ce qui a joué en défaveur de Harris, c’est le fait qu’elle soit la vice-présidente d’un président qui est très impopulaire pour plusieurs raisons, surtout la situation économique. L’inflation a frappé les Américains pendant ces deux, trois dernières années, et je pense que c’est surtout ça qui a contribué à l’impopularité de Joe Biden", affirme Jason Stearns qu’il y a "un genre d’insurrection populaire contre les élites politiques aux Etats-Unis. Les gens sont fatigués des politiciens qui jouent la politique, qui ne paraissent pas avoir un intérêt pour le peuple. Même si c’est un homme ultra-riche, Trump se positionne comme quelqu’un qui est là contre les institutions, contre les élites politiques américaines".

Le Centre d'études sur les femmes américaines en politique (CAWP) déplore qu'une fois de plus, "une femme s'est portée candidate à la plus haute fonction de la politique américaine, a failli franchir cette barrière, mais n'a finalement pas été élue".

DW-Redaktion Afrika-Französisch
Wendy Bashi Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle@WenBash