L'armée nigériane joue sa réputation
7 septembre 2014"Tout sera fait pour renverser la situation" face à Boko Haram a affirmé l'armée nigériane alors que les insurgés islamistes progressent rapidement dans le nord-est du pays. Depuis plusieurs semaines, les combattants islamistes se sont emparés de pans entiers de territoires dans les trois Etats, majoritairement musulmans, où ils sont le plus actifs: Borno, leur bastion, Yobe et Adamawa. "Notre souveraineté est remise en question en ces temps cruciaux" a déclaré le porte-parole des armées, Chris Olukolade, dans un communiqué qui tranche avec les messages triomphalistes diffusés jusqu'à présent. Ce changement de ton survient après une mise en garde, cette semaine, des Etats-Unis. Washington s'est dit très inquiet de la "grave menace" que constitue Boko Haram et a appelé le gouvernement à se ressaisir et à affronter la réalité.
Désiquilibre des forces
La réalité c'est que Boko Haram contrôle désormais des pans entiers de territoires du nord-est du Nigeria et menace de prendre Maiduguri, la capitale régionale. L'objectif de la secte islamique est d'établir un califat où la charia serait la loi. En face, l'armée nigériane ne fait pas le poids avec des soldats qui refusent d'aller au combat ou qui fuient devant les attaques insurgées.
Pourtant, selon des chiffres publiés en 2014 par l'Institut international d'études stratégiques (IISS), le Nigeria compte 80.000 militaires et 82.000 paramilitaires. Le budget de la Défense représente 20% du budget de l'Etat. Jamais la proportion n'a été aussi élevée depuis la guerre civile au Biafra entre 1967 et 1970. De plus, l'armée nigériane dispose d'une aviation de combat, dont Boko Haram est dépourvue. Les islamistes sont par ailleurs bien moins nombreux : selon les spécialistes, Boko Haram disposerait de 6 à 8.000 combattants et se finance essentiellement par des pillages et des rançons.
Une armée en déclin
Selon l'ancien général Ahmed Saleh, l'armée a commencé à baisser après un coup d'Etat manqué contre le président Ibrahim Babangida en 1990. A la tête d'une junte de 1985 à 1993, il a procédé à une purge et s'est débarrassé d'officiers supérieurs expérimentés. Avec lui, l'armée est passée sous le contrôle direct d'Abuja et c'est ce qui a entraîné son déclin selon Ahmed Saleh.
Outre le manque d'officiers qualifiés, les pénuries d'armes et de munitions ainsi que la mauvaise qualité des équipements militaires expliquent également la débandade des troupes dans le nord-est du pays. La corruption et la mauvaise gestion sont avancées pour expliquer l'approvisionnement défaillant. Les hommes se plaignent aussi de n'être pas nourris correctement et du non-paiement de leur solde. Enfin, l'armée se coupe de plus en plus de la population et donc d'une source cruciale de renseignements sur le terrain, en multipliant les exactions. Celles-ci ont été dénoncées plusieurs fois déjà par des défenseurs des droits de l'Homme et des ONG comme Amnesty international.