Soudan : début du dialogue pour la paix à Genève
12 août 2024C'est un rendez-vous qui donne un nouvel espoir à ceux qui souhaitent voir la fin de la guerre au Soudan.
Ce 14 août 2024, des discussions doivent débuter à Genève pour voir dans quel mesure il est possible d'obtenir un cessez-le-feu.
L'année dernière, des efforts de médiation des Etats-Unis avaient déjà eu lieu à Djeddah, en Arabie saoudite. Mais ils n'avaient pas abouti.
Des discussions menées par l'ONU à Genève n'avaient pas non plus abouti. L'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Soudan, l'algérien, Ramtane Lamamra, a toutefois qualifié les négociations de "premier pas encourageant" dans un processus complexe.
Les Etats-Unis espèrent également une percée.
Selon un haut fonctionnaire américain, certains éléments ont changé. Premièrement, l'horreur de la guerre a pris une ampleur insupportable. Deuxièmement, les partenaires des Etats-Unis en Afrique et dans la région du Golfe sont unanimes dans toute la région pour dire que la situation est inacceptable et que personne n'a rien à gagner de la déstabilisation en cours.
Les deux partis prêts à discuter ?
Les parties au conflit ont ainsi émis des signaux positifs modérés.
Le chef des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Daglo - connu sous le nom de Hemeti - avait déclaré sur X que son groupe était prêt à mener les discussions de manière constructive.
Le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhan a finalement fait savoir qu'il enverrait lui aussi une délégation à Genève.
Ces pourparlers incluront l'Union africaine, l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'ONU en tant qu'observateurs.
Une inclusion judicieuse selon Ahmed Esam de l'ONG Sudan Uprising Germany, qui a pour objectif de mettre en lumière la situation au Soudan. "Le seul point positif de ces discussions est l'inclusion d'autres acteurs de la région qui travaillaient séparément, soit en fournissant des forces sur le terrain, soit en créant des plates-formes de négociations éloignées les unes des autres",explique-t-il au micro de la DW.
Mais, il est également clair que le succès des pourparlers n'est pas garanti, selon Ahmed Esam qui précise que le Soudan se divise actuellement en deux zones contrôlées par les deux adversaires. Il craint que cela conduise à long terme à une situation comme en Libye.
Des milices qui ne pensent qu'à leurs propre intérêts
Hager Ali, politologue à l'institut GIGA de Hambourg, qui a récemment publié une analyse sur la guerre au Soudan, rappelle que "Daglo et Burhan voulaient tous deux imposer leur vision d'un système politique. Mais en raison des énormes défis logistiques liés aux combats, ils ont dû déléguer de nombreuses tâches aux milices locales et recruter partout des combattants et des miliciens. C'est ainsi que le contrôle de la dynamique de guerre leur échappe de plus en plus".
C'est également l'avis de l'expert du Soudan Gerrit Kurtz de la fondation allemande Wissenschaft und Politik (SWP). Les milices utilisent la guerre à leurs propres fins, écrit-il dans une étude.
Et c'est ce qui rend les discussions à venir à Genève si difficiles, explique Hager Ali. Selon elle, "tous les acteurs nationaux ont leurs propres intérêts, qui sont décuplés par la lutte entre Burhan et Daglo au niveau infranational. La situation sur le terrain est devenue plus complexe et doit être abordée différemment dans les pourparlers de paix".
La guerre menée au Soudan est devenue depuis longtemps une lutte complexe par procuration, à laquelle participent de nombreux acteurs.
"La dégradation de la situation a commencé depuis plusieurs années déjà. Et plus une telle crise dure longtemps, plus elle fait rage et déraille complètement, plus la pacification prend du temps", estime Hager Ali.
Une situation humanitaire catastrophique
Une fin des violences serait toutefois urgente au vu de la crise humanitaire au Soudan. L'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) a par exemple tiré la sonnette d'alarme : les réserves d'aliments spéciaux pour le traitement des enfants malnutris dans le camp ne suffisent plus que pour deux semaines.
Selon les différentes données, entre 200.000 et un demi-million de personnes déplacées vivent à Zamzam, près de la ville assiégée d'el-Facher, au Darfour.
L'OIM parle actuellement de près de dix millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays dans tous les Etats fédéraux du Soudan. En outre, près de 25 millions de personnes - soit environ la moitié de la population - auraient un besoin urgent d'aide humanitaire.