Affaire Zogo : la famille réclame l'accès au dossier
22 janvier 2024Il y a un an jour pour jour, le 22 janvier 2023, le corps sans vie du journaliste Martinez Zogo était retrouvé sur un chantier, en périphérie de Yaoundé, au Cameroun. Un corps supplicié et mutilé. Le journaliste avait été enlevé par des inconnus cinq jours auparavant.
Malgré des aveux du coordinateur du commando qui a torturé Martinez Zogo, un an plus tard, l'instruction piétine. De hautes personnalités de la vie politique et publique camerounaises ont été mises en cause dans cette affaire.
Le 22 janvier 2023, la découverte du corps
Diane Zogo est la veuve de Martinez Zogo. Elle n'oubliera jamais ce 22 janvier 2023. Quand les forces de l'ordre l'appellent pour identifier formellement la dépouille de son mari, elles prennent des précautions avec la veuve, étant donné l'état dans lequel se trouve le corps.
"On m'a amenée à la brigade de la gendarmerie de Soa. On est allé à un kilomètre de là, environ, raconteDiane Zogo à DW Afrique. Il y avait une odeur très forte. Les agents m'ont prévenue que si j'étais sensible, je ne pourrais pas soutenir ces images horribles. Je me suis approchée, l'odeur est devenue encore plus forte. Je n'ai pas pu, sur le moment, aller l'identifier. Mais j'y suis allée plus tard à l'hôpital central."
Un journaliste qui dérangeait ?
Au moment de sa mort, Martinez Zogo enquêtait sur un vaste scandale de détournement de fonds publics. Il venait d'annoncer des révélations impliquant des personnalités connues du pays.
Philippe Nanga, coordinateur de l'ONG Un monde Avenir, rappelle que le Cameroun s'est pourtant doté, en 2018, d'une loi sur la transparence.
"Cette loi recommande à l'Etat de garantir à la société civile et aux journalistes de pouvoir organiser des espaces de discussion et des débats autour de la gestion des affaires financières. Ce sont des informations qui ont trait à la gestion des biens publics. Nous savons la difficulté qu'ont les journalistes pour accéder à ces informations qui, si on était dans un pays qui fonctionne assez bien, ne devraient pas être considérées comme des informations délicates."
L'ancien chef du contre-espionnage, plusieurs membres de ses services et un homme d'affaires très influent font partie des personnes placées en détention provisoire pour les besoins de l'enquête.
"Un crime politique"
Maître Hakim Chergui, l'un des avocats de la famille Zogo, déplore que les parties civiles n'ont toujours pas eu accès au dossier d'instruction, alors même queles premiers mois d'enquête ont été mouvementés.
"Les rétropédalages du magistrat instructeur, contredits par le commissaire du gouvernement, tout ça sous les yeux ahuris des réseaux sociaux presque en temps direct et qui, on l'a su, ont abouti à quelques changements au sein de la juridiction – et notamment le remplacement du magistrat instructeur – tout ça nous laisse penser que derrière les apparences et dans les bureaux, il y a énormément de rapports de force et beaucoup de violence."
La famille continue de réclamer une nouvelle autopsie effectuée par des légistes étrangers pour confirmer les premières conclusions. Ainsi que la requalification des faits en assassinat.
Toutefois, l'avocat précise qu'il ne voit pas dans cette affaire de "crime d'Etat", mais bien un "crime politique", dans un Cameroun où se prépare en sous-main la succession du président nonagénaire, Paul Biya.
Un podcast de la Deutsche Welle sur l'affaire Martinez Zogo
A l'occasion du premier anniversaire de la mort du journaliste camerounais Martinez Zogo, la Deutsche Welle vous propose un décryptage en trois épisodes de cette affaire qui met en lumière les rivalités au plus haut sommet de l'Etat du Cameroun, où se prépare en sous-main la succession du président Paul Biya.
Dans cette affaire Zogo, il est question de plusieurs milliards d'euros de détournement d'argent public, de commandos de tortionnaires, d'accusations et contre-accusations… et, preuve des enjeux politiques de l'instruction, deux juges ont déjà été dessaisis du dossier. Bref, retrouvez notre podcast QuiQuoiComment sur notre site internet dw.com/francais.
Ce podcast a été co-écrit avec le lanceur d'alerte camerounais Paul Chouta.